Au nord de Londres, dans le quartier de Finsbury Park, se trouve le mini-Barbès Londonien. Dans « the little Algiers », on trouve différents commerces avec des produits du bled, produits français, restaurants avec merguez, aghoum ou kesra, poivrons grillés… Tout ce qu’il faut pour se rappeler des saveurs méditerranéennes dans la grisaille londonienne. Comme dans Paris, la gentrification fait que les quartiers populaires laissent la place de plus en plus à la classe moyenne, mais on retrouve quand même une certaine ambiance dans ce quartier qui est aussi le fief des gunners d’Arsenal.
Pourquoi Londres ?
Comme ceux qui veulent aller en France, au Canada, à Bruxelles, Berlin, Tokyo… La raison est claire et sans équivoque de la part du restaurateur où je déguste mon déjeuner : « se barrer de l’Algérie ! » Je ne vais pas commenter ses dires qui engendre généralement des débats passionnés entre les Algériens des 2 rives. Un autre venant de Clermont-Ferrand me disait qu’en France, il galérait pour du travail. « Ici tu as du taff partout, dès demain tu travailles ». Certes, il y a du travail, mais avec des loyers très chers pour vivre dans une petite chambre en collocation, en espérant que tu ne fasses pas une heure de trajet en transport, oui, tu travailles, mais pendant un bon moment tu seras en mode survie. Même s’il y a une classe algérienne diplômée, qui s’en sort bien, comme tout ceux qui vivent à Londres en ayant un bon bagage, pour la majorité des cas , cela est ou sera une véritable galère. Surtout pour les primo-arrivants qu’on ne peut comparer à un commerçant implanté à la City depuis 20 ans. Comme en France. Mais est-ce un mal de vouloir quitter son pays ? Après-tout, les Anglais vont bien en Australie. Un expat quittant sa zone de confort occidentale pour raisons économiques passent mieux qu’un migrant qui délaisse des cailloux. Les migrations, c’est l’histoire du monde.
Venir, ou pas ? les avis divergents
Il y a autant d’avis que de personnes. Lorsque je demande à un épicier si ça vaut le coup de venir, il me dit sans équivoque : « non, » ils ne s’en rendent pas compte qu’il vont vraiment galérer, qu’au final il ne vont pas gagner grand chose, la ville est chère, à la fin du mois, il ne te reste pas grand chose ». A Londres c’est tu cours ou tu crèves. Et rajoutant le temps d’être légalisé niveau papier beaucoup de jeunes ne voulant pas courir, iront dans les combines et trafics, en squattant le parc de Fisbury. Sans parler du Brexit qui va certainement compliqué les choses.
A contrario, avec un restaurateur, lorsque je lui ai demandé si ce n’est pas difficile ici, réponse claire aussi : « pourquoi ce n’est pas difficile en Algérie, même galérer ici, tu seras toujours moins en galère qu’au bled ». Encore une fois, ce sont ses propos, chacun est libre de les interpréter… Lorsque je lui ai demande si ça ne va pas être compliqué avec le Brexit, sans hésitez il me répond : « moi, j’ai voté pour le Brexit ! On a toujours été indépendant, on est un grand pays, on n’a pas besoin de l’Europe, c’est à cause d’eux tous les problèmes ». Dans son élan réac d’algéro-anglais, je le rejoint en vociférant sur l’Union européenne, qui ne favorise que l’Allemagne, nous sommes que ses suppots, la Merkel, elle a déjà tué la Grèce, elle veut se faire toute l’Europe avec ses cures d’austérités. Y a une certaine jouissance à tailler l’Europe depuis l’étranger, c’est tout juste si on n’allait pas chanter « god save the queen » avec mes amis Algériens. Même si, à titre personnel, l’Union européenne n’est pas le premier de mes combats.
La religion, sujet sensible à Finsbury Park
L’été dernier, durant ramadan, à la sortie de la mosquée de Finsbury Park, une attaque à la voiture bélier avait causé une dizaine de blessés et un mort. Au-delà de cet événement tragique, ce quartier a acquis aussi le surnom de Londonistan. Dans les années 90, des prêcheurs comme Abu Qatada et Abu Hamza haranguaient les fidèles venus de l’Europe entière venus écouter leurs prêches extrémistes. Finsbury Park était devenu le quartier de la mouvance djihadiste avec la mosquée comme point de ralliement. Aujourd’hui la mosquée est devenue le symbole du dialogue inter-religieux, et les habitants du quartier, ainsi que les Algériens locaux non plus envie d’être associé cette image néfaste.
De ce fait, certains Algériens londoniens, surtout ceux implantés depuis longtemps voient d’un mauvais ceux qui veulent venir en Angleterre pour des motifs religieux. Beaucoup ont usé et abusé de la liberté religieuse qu’offre l’Angleterre à TOUS les cultes, ils n’ont pas envie que des nouveaux venus profitent de ces libertés, au risque que le quartier retrouve sa triste réputation des années 90. Quand on voit l’adhan qui retentit dehors à la mosquée de White chapel, les enfants avec leur petit hijab allaient à l’école, et les femmes voilées qui travaillent « normalement », pas besoin d’abuser, non ?