Cette question fait débat au sein de la communauté musulmane, est-ce du shirk, de l’association, de voter, car se serait participer à la démocratie, qui est la volonté de peuple, lorsque le musulman souhaite la volonté d’Allah (SWT) et faire triompher sa Loi. Ou est-ce que participer à la vie démocratique du pays permettra d’être considéré, d’être traité comme un citoyen faisant partie de la diversité française et ne plus être réduit à sa religion, et de facto de ne plus avoir d’amalgame islamiste, terroriste…? Les savants contemporains sont eux même divisés sur la question, renvoyant chacun d’entre nous à notre interprétation.
Ce fut, entre autres, l’une des pistes de réflexion dans la conférence à laquelle j’ai assisté au centre Shatibi à Stains, en février, avec comme intervenant Samy Debbah, président du Ccif, dont il va prochainement mettre fin à ses fonctions. Moins connu que Marwan Muhammad, son directeur, il n’en reste pas investi dans la lutte contre l’islamophobie, dans l’action comme dans le verbe.
Cette association fait un véritable travail dans la défense des droits des musulmans. Heureusement qu’ils sont là, ils sont bien souvent inflexibles dans leur position, surtout par rapport à certains imams qui sont censés représenté la oumma française, ceux qu’il leur vaut en contrepartie de nombreuses attaques, et bien souvent par des collabeurs. Même si parfois, on peut être en désaccord dans leur prise de position, et je l’ai été dernièrement concernant leur défense de Mohamed Saou, exclu de l’équipe de Macron, les soutenir est un minimum pour la cohésion et le respect des droits les plus élémentaires auxquels a droit chaque humain sur cette terre, dans le pays qui se considère la patrie des Droits de l’homme.
La thématique principale de cette conférence était l’islamophobie au cœur de la présidentielle. Les politiques, pour faire diversion, utilisent toujours le spectre de l’invasion islamiste pour fédérer sur leur discours. Que se soit Fillon et dans une moindre mesure Marine Le Pen, empêtrés dans leurs affaires judiciaires, ce discours fait fi de toute leur magouille auprès des partisans ! Et plus les politiques usent du discours anti-islam, plus les actes islamophobes augmentent. Quand ceux qui sont aux responsabilités se permettent de mettre au ban de la république une partie de leur concitoyen, il ne suffit pas beaucoup comme prétexte pour exciter la meute. Entre agressions, insulte de femmes voilées et tête de porc accroché sur la devanture des mosquées, le courage n’est pas forcément la qualité première de ces apprentis xénophobe, dont pour beaucoup est leur baptême, ils ont un sentiment d’impunité d’attaquer les musulmans, alors que leur acte est de la délinquance juvénile.
Au-delà du constat, il est surtout question de l’organisation des musulmans afin de contrer le discours des politiques et de facto réduire les actes islamophobes et le vote serait une solution.
Bon ok, voter, mais pour qui ?
A l’heure où le Front National est proche du pouvoir, on veut mettre une épée de Damocles sur le dos des abstentionnistes, qui ont le droit, à juste titre, de ne pas vouloir participer à cette mascarade après avoir été cocu depuis 15-20 ans. Il a même été question lors du dernier rassemblement des musulmans du Bourget. Rien n’est prouvé, d’ailleurs, que si les abstentionnistes votaient, cela changerait le résultat, ils pourraient très bien voter Marine Le Pen…
Quand j’entends des personnes déçut d’Hollande, ça me fait doucement sourire. Sérieusement, ils s’attendaient à quoi, qui l’imagine dans le costume présidentiel il y a une dizaine d’années ? Et lorsque que je lis que des musulmans ont pris leur écart suite au mariage pour tous, ça me fait rigoler. C’était annoncé dans son programme, c’était certainement l’une des seules mesures réellement applicable avec les moyens dont dispose le législateur en France, sans passer par Bruxelles.
Alors certains ne veulent plus voter pour le Parti Socialiste, déçu de futur président sortant. Certes, Bilal Hamon a multiplié les appels du pied à l’électorat musulman, en brandissant l’argument de la laïcité, où tout citoyen est égalitaire suivant sa confession, qui est du domaine du privé. Mais le courant « dur » laïcard, incarné par Fourest et identitaire, qui sur ça on des points communs, a pris le dessus dans l’imaginaire citoyen concernant ce pilier, ce dogme de la république. Aussi, son programme candide en fait fuir plus d’un, filer 600 € à quelqu’un pour fumer du cannabis, dans un monde où les robots ont remplacé les humains pour travailler, cela en rébute plus d’un, je caricature, bien sûr. Même si ses idées méritent reflexion, il n’a pas pu vraiment les exposer.
Il y a Macron, le jeune start-upper. Mélange de pragmatisme et surtout de vide absolue. Autant, il peut avoir une bonne analyse sur les 35 heures. Mais lorsqu’il dit, il faut une solution politique sur la Syrie, c’est comme dire qu’il faut se sécher quand on est mouillé. Il est dingue aussi, de faire abstraction de ses activités chez Rothchsild. A l’heure d’internet il n’est pas possible de nier qu’il a piloté la fusion-aquisition de Pfizer par Nestlé. Pfizer est spécialisé dans le lait en poudre infantile, propagé en Afrique, dans des pays sans eaux, dont des campagnes contre l’allaitement ont été menées depuis des décennies. Il a bradé aussi Alstom aux Américains. Tout ça devrait le disqualifier, mais non. Au contraire, dans ce monde sécularisé, il choisit l’incarnation christo-mystique, et ça marche ! Les foules ont foi en lui, leur adoration leur font tout oublier : son programme inexistant, son jeune âge, le fait qu’il n’a jamais été élu, qu’il a été gouvernement… Tout ça est secondaire, aux oubliettes, tous trouvent en eux quelque chose de Macron.
Les candidats d’extrême gauche peuvent avoir grâce aux yeux des musulmans dans leurs discours égalitaire, antiraciste, prendre aux riches pour redistribuer aux pauvres… Mais il ne faut pas oublier qu’ils sont antis-religion, c’est même l’un de leur fondement de leur doctrine, on prend des impôts pour alimenter l’état providence, la divinité qui apportera bohneur et prospérité pour tous, soyons travailleurs, mais moins pauvre, le reste, dont la foi, n’est que fantastique ! Et que ce soit Mélenchon ou Poutou, leurs discours sur le voile musulman et la supposé soumission de la femme est extactement, en tout point, ce que l’on entend de tout les politiques de tout bord.
Asselineau est le seul à avoir un discours pragmatique. Le seul qui élève intellectuellement le niveau, en citant les traités, des sources vraies et vérifiées lorsque l’on veut le taxer de complotiste. Il veut couper le problème à sa racine en voulant sortir de l’Europe, cette idée fait peur à beaucoup de monde. Mais rester dans l’Europe est certainement bien pire ! Mettre en concurrence des travailleurs dans le même espace ou les règles ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre, pour le profit du capital, cela ne peut plus durer ! Mais il reste un « petit » candidat, qui comme me le disait Jacques Cheminade lorsque je l’ai rencontré, ne bénéficie de l’égalité démocratique qu’à la fin, lors de l’égalité de parole, lorsque les « gros »candidats, dont Le Pen et Mélechon, sont en campagne depuis un an, grâce à leurs relais dans les médias.
Au final, voter ferait aussi de nous complice d’un système faussement démocratique, ou celui qui a le plus de moyens et de contact l’emporterait. Sondage à l’appui, beaucoup qui se disent ne pas suivrent le troupeau, ne voudraient pas le quitter en voyant que leur candidat faiblit. On nous fait croire qu’on est libre de voter alors que notre choix est conditionné par de nombreux facteurs. Le roman est faussé, truqué, et on voudrait nous faire croire qu’on est partie prenante de cette histoire alors que nous en sommes que les figurants. C’est tout le système qu’il faudrait changer !
De la limite du vote utile
Pour ce qui est des législatives et les municipales, les politiques, élus locaux, font du clientélisme. Ils ménagent sans cesse la chèvre et le chou, entre les pieds-noirs, les Arméniens, les jeunes, les agriculteurs, où tout le monde à quelque chose à gratter, où chacun veut faire passer ses propres intérêts. Le bulletin de vote est la contrepartie pour que les élus, accrochés au pouvoir telle une sangsue, maintiennent leur siège et leurs privilèges. Et les musulmans, surtout dans les villes où ils sont nombreux, veulent aussi leur part de gâteau. D’après les représentants du Ccif et d’autres représentants de l’Islam de France, seul un investissement dans la vie de la cité permettra d’être considéré. Cette approche de la politique a certainement des limites et continuer dans cette voie, en dévouant ce que devrait être un élu de terrain, ne pourra conduire qu’aux troubles. On réduit la politique à un marché de dupes, d’hypocrisie de chaque côté, où on ne sait jusqu’où vont aller les revendications. Entre ceux qui voudront gratter un logement social, de l’argent pour leur association, des boulots à la municipalité. Et pourquoi pas avoir des tribunaux islamiques pour régler les affaires civiles ? Après tout il y a bien des tribunaux rabbiniques !
Bien sûr, et comme disait Samy Debah, on est bien loin d’avoir de telles revendications, car on est tellement peu considéré, si le discours islamophobe et les amalgames cessaient, se seraient déjà énorme.
L’engagement dans la cité passerait aussi par présenter des musulmans aux législatives, aux municipales. Là aussi, on a des associations politiques qui ont été créées, et dans des villes à majorités musulmanes, ils devraient en théorie passer, mais font, à chaque fois, des scores ridicules. Est-ce qu’ils ne sont pas convainquant dans leur discours ? Pas assez de communication ? Est-ce qu’on ne croit pas en nous ? Sûrement, un peu des trois…
Mais l’engagement doit se faire en tant que personne lambda et ça commence par le voisinage. Avec le bon comportement, ils penseront que vous n’êtes pas comme les « autres ». L’autre, leur patchwork imaginaire, l’autre, ce méchant archaïque, qu’on pense être la norme sera une exception comme un protagoniste provincial de « faites entrer l’accusé ». Les mosquées ont initié les journées portes ouvertes, c’est de bonnes initiatives qu’il faut saluer.
Les arguments sont convainquant, mais ne m’ont pas convaincu pour autant. Dans ce monde en crise morale, avec du chômage de masse, et des élites financières toujours plus puissant. Est-que ce vivre-ensemble auquel on aspire sera le pare-feu et la meilleure des réponses, lorsque le musulman et l’étranger plus globalement sert de bouc émissaires, plus facile à s’en prendre à celui qu’on présente comme une partie de leur problème ?
Et surtout, qu’en est-il de notre position en tant que musulman ? Dans ce défi mondial, obtenir « juste » des politiques de pouvoir aller tranquillement au centre commercial avec notre femme voilée lorsque l’Islam est une religion qui, et l’a prouvé, peut être une véritable alternative mondiale, n’est-ce pas réducteur de se considérer comme des damnés ? L’un comme l’autre, il y aura toujours quelque chose qui n’ira pas, soit ils vont dire qu’on veut les combattent et les envahir par l’épée, soit qu’on pratique la taqqiya, la dissimulation, pour faire une opa sur l’Europe. Et si on dit qu’on est partisan de la Sharia, dans sa noblesse, de nombreux musulmans vous diront que ce n’est pas le sujet, surtout en ces périodes de terrorisme, on s’amalgame nous-même ! Restons dans le spirituel.
Bref, le débat n’a pas fini d’avoir lieu, et on l’aura droit pour encore de longues années.
En attendant, essayons de vivre ensemble !
Et pour finir, en bonus je citerai Sartre : « élections, piège à cons » !